Le parquet de Paris a demandé le renvoi en correctionnelle de huit militants libertaires, dont Julien Coupat, dans le dossier du groupe de Tarnac sur des sabotages de lignes TGV survenus en 2008. Si la juge antiterroriste chargée de l’affaire suit ces réquisitions, seuls trois d’entre eux, dont le leader présumé Julien Coupat, seront jugés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, a appris jeudi l’AFP de source judiciaire.
Le "groupe de Tarnac", présenté comme proche de l’ultra-gauche, est soupçonné d’être à l’origine de sabotages de lignes SNCF dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 sur des caténaires, dans l’Oise, l’Yonne et la Seine-et-Marne.
Julien Coupat, 40 ans, et son épouse, Yildune Levy, 31 ans, ont reconnu leur présence cette nuit-là à Dhuisy (Seine-et-Marne) aux abords de la voie ferrée où passe le TGV Est, mais ont toujours nié avoir participé à la pose d’un fer à béton, retrouvé plus tard sur la caténaire. Tordu en forme de crochet, il avait causé d’importants dégâts matériels au premier TGV le 8 au matin, et fortement perturbé le trafic. Pour les agents SNCF interrogés par les enquêteurs, cet acte pouvait entraîner des dégâts matériels, sans menacer la sécurité des voyageurs. Le parquet a requis le renvoi du couple notamment pour dégradations en réunion et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Lors d’un procès, ils encouraient jusqu’à dix ans de prison.
En revanche, le ministère public réclame l’abandon de l’incrimination de direction ou organisation d’un groupement terroriste, initialement retenue contre Julien Coupat, qui a effectué un peu plus de six mois de détention provisoire jusqu’en mai 2009.
Ce chef d’accusation, qui peut encore être retenu par le magistrat instructeur, pourrait lui valoir jusqu’à vingt ans de réclusion et un renvoi aux assises. Souvent présenté comme brillant intellectuellement, ce fils de famille aisée est considéré comme le fondateur et inspirateur d’un groupe d’une vingtaine de jeunes aux idéaux d’extrême gauche, qui gravitaient autour d’une propriété agricole proche de Tarnac (Corrèze).
Pour le parquet, l’enquête a mis en évidence le "basculement dans le terrorisme" du groupe, baptisé officieusement "Comité invisible, sous-section du parti imaginaire". À l’appui de cette vision, il relève des extraits du livre L’insurrection qui vient (2007), attribué à Julien Coupat, qui fait l’apologie de modes de sabotage propres à "finaliser la chute de l’État" et désigne notamment le réseau TGV comme cible "aisée".
Les éléments de l’enquête ont mis au jour, selon le ministère public, "l’existence d’un plan concerté contre le réseau ferré". Outre les faits de Dhuisy, il impute à Julien Coupat une participation à un autre sabotage du TGV Est, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2008 à Vigny (Moselle), également au moyen d’un fer à béton accroché à la caténaire. Il aurait été assisté par Gabrielle Hallez, 36 ans, son ex-compagne, dont le parquet a requis le renvoi pour dégradations en réunion et association de malfaiteurs terroriste. Tous deux ont reconnu leur présence à proximité (une heure de route) mais ont nié toute participation au sabotage.
Les cinq autres personnes que le parquet voudrait voir jugées le seraient, si le magistrat instructeur suivait le réquisitoire, pour des faits bien moins graves, essentiellement liés à de faux documents et au refus de se soumettre à des prélèvements judiciaires.
Cette affaire a suscité une vive polémique au cours des six années de procédure, le gouvernement et la ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, ayant été accusés de l’instrumentaliser en insistant sur son caractère terroriste. Accusé par la défense d’informer les journalistes, le juge Thierry Fragnoli avait dû se dessaisir début 2012.
Quant aux membres du groupe, qui affirment leur innocence et dénoncent une manipulation policière, ils ont mené une rude bataille procédurale mais ont été déboutés de leurs nombreux recours.
Dans son réquisitoire, le parquet a souligné "la recherche de déstabilisation de l’instruction par tous les moyens disponibles, qu’ils soient purement procéduraux ou, de façon plus discutable, par une instrumentalisation des médias".
Source : lepoint.fr
Date : 07 mai 2015