Double explosion à Beyrouth : au moins 180 morts et 4 000 blessés, selon un dernier bilan

Parmi les blessés, figurent 21 Français, a fait savoir le parquet de Paris, qui a ouvert une enquête mercredi pour « blessures involontaires ».

Le Monde avec AFP et AP Publié le 04 août 2020 à 18h10 - Mis à jour le 05 août 2020 à 22h56

Une très violente double explosion a secoué, mardi 4 août, vers 18 h 10 (17 h 10 à Paris), le port de la capitale libanaise, Beyrouth, ravageant une grande partie de la ville. Selon le dernier bilan du ministère de la santé mercredi après-midi, au moins 113 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres sont encore portées disparues. La Croix-Rouge libanaise fait par ailleurs état d’au moins 4 000 blessés. Parmi ces derniers figurent au moins 21 Français, a fait savoir le parquet de Paris, mercredi, qui a ouvert une enquête pour « blessures involontaires ».

Réuni en urgence, le Conseil supérieur de la défense libanais a déclaré que les déflagrations étaient dues à l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port. Le nitrate d’ammonium, substance qui entre dans la composition de certains engrais mais aussi d’explosifs, est un sel blanc et inodore utilisé comme base de nombreux engrais azotés sous forme de granulés. Il a causé plusieurs accidents industriels dont l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001.

« C’est une catastrophe dans tous les sens du terme, a déploré le ministre libanais de la santé, Hamad Hassan. Les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés. » Face à l’ampleur de cette catastrophe, qui touche en son cœur un pays au bord du gouffre économiquement, le premier ministre libanais, Hassan Diab, a fait appel, mardi soir, à l’aide internationale.

Mercredi, la capitale libanaise, déclarée ville « sinistrée », s’est réveillée sous le choc dans un paysage apocalyptique. Les autorités ont déclaré un jour de deuil national.

Une violente explosion sur un site déjà en flammes

Selon de très nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, un incendie était déjà en cours dans des bâtiments sur les quais du port de Beyrouth quand une explosion a provoqué un souffle massif et une très haute colonne de fumée dans le ciel, vraisemblablement lorsque le feu a atteint un entrepôt contenant le nitrate d’ammonium.

Selon des témoins, les détonations ont été entendues jusqu’à la ville côtière de Larnaka, à Chypre, distante d’un peu plus de 200 km des côtes libanaises. Les vitres des immeubles et des magasins ont volé en éclats à des kilomètres à la ronde. Aux abords du quartier du port, les dommages et les destructions sont considérables.

L’onde de choc a provoqué des destructions partielles ou totales de bâtiments, des incendies et d’innombrables dégâts dans toute la ville sur des kilomètres. « Près de la moitié de Beyrouth est détruite ou endommagée », a déclaré mercredi le gouverneur de la capitale, Marwan Abboud, estimant qu’entre 250 000 et 300 000 personnes se retrouvaient sans domicile.
L’état d’urgence a été décrété pour deux semaines, mercredi, suite à la double explosion, présentée comme accidentelle par les autorités.

Des hôpitaux engorgés, des appels au don de sang

Dans les minutes et les heures qui ont suivi l’impressionnante déflagration, les services de secours ont été massivement sollicités, et le ballet des ambulances aux sirènes hurlantes et des camions de pompiers s’est ajouté au chaos urbain. Les médias locaux ont diffusé des images de personnes coincées sous des décombres, certaines couvertes de sang. Des témoins ont raconté avoir vu dans le secteur du port des dizaines de blessés à terre.

A la suite de la double explosion, de nombreux habitants blessés ont marché en direction des hôpitaux, ces derniers ont été rapidement submergés, selon des témoins. Dans le quartier d’Achrafieh, des blessés se sont rués vers l’Hôtel-Dieu, et devant le centre médical Clemenceau, des dizaines de blessés, dont des enfants, parfois couverts de sang, attendaient d’être admis. La Croix-Rouge libanaise a appelé sur Twitter les habitants à donner de toute urgence leur sang dans n’importe quel endroit du pays.

« Il y a des morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu’ils soient proches ou éloignés de l’explosion », a déclaré le chef de la Croix-Rouge libanaise, George Kettani. Des secouristes, épaulés par des agents de sécurité, ont cherché toute la nuit des survivants ou des morts coincés sous les décombres. Les opérations continuaient mercredi.

Parmi les victimes de l’explosion figure Nizar Najarian, secrétaire général du parti Kataëb, l’une des formations historiques de la droite chrétienne. L’ONU au Liban a affirmé que des casques bleus avaient été grièvement blessés à bord d’un navire endommagé par les explosions. Des membres du personnel de l’ambassade d’Allemagne ont aussi été blessés, selon Berlin.
Le gouvernement réclame l’assignation à résidence des responsables du stockage du nitrate d’ammonium.

« Ce qui s’est passé aujourd’hui ne passera pas sans que des comptes soient rendus », a déclaré le premier ministre libanais, Hassan Diab, lors d’une allocution télévisée mardi soir. « Il est inadmissible qu’une cargaison de nitrate d’ammonium, estimée à 2 750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C’est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire sur cette question », a-t-il également déclaré devant le Conseil supérieur de la défense.

a réclamé au pouvoir militaire suprême, chargé des questions sécuritaires durant l’état d’urgence, « l’assignation à résidence de toute personne impliquée dans le stockage de l’ammonium » depuis l’arrivée de la cargaison à Beyrouth en 2014 jusqu’à l’explosion de mardi, a annoncé, en conférence de presse, la ministre de l’information.

Israël dément toute implication, l’aide internationale afflue

Dans un contexte d’accrochages récents avec le Hezbollah dans le sud du Liban, le gouvernement israélien a démenti toute implication dans l’explosion et s’est adressé au gouvernement libanais par le biais de médiateurs internationaux pour offrir à Beyrouth une aide humanitaire et médicale, relatent les quotidiens israéliens Haaretz et Yediot Aharonot.
Le premier ministre libanais, Hassan Diab, a lancé « un appel urgent à tous les pays amis et les pays frères qui aiment le Liban à se tenir à ses côtés et à nous aider à panser nos plaies profondes ». Le Liban, déjà miné par la corruption et les difficultés économiques, traverse également sa pire crise depuis des décennies. Alors que les silos de céréales installés dans le port de Beyrouth ont été éventrés par les déflagrations, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation a par ailleurs dit craindre « à brève échéance un problème de disponibilité de farine ».

De nombreux pays ont fait savoir qu’ils enverraient une aide humanitaire et du personnel médical dès mardi soir, à l’image de l’Iran, du Koweït et de la Russie. Pour leur part, l’Algérie et la Tunisie ont annoncé, mercredi, l’envoi d’une aide alimentaire et médicale. Tunis a, par ailleurs, proposé de prendre en charge médicalement une centaine de blessés. La chancelière allemande, Angela Merkel, a, elle aussi, promis d’offrir « un soutien au Liban », tout comme le Royaume-Uni.

Le président des Etats-Unis, Donald Trump, a estimé, de son côté, que les explosions meurtrières à Beyrouth « ressemblaient à un terrible attentat » et que des experts militaires lui avaient parlé d’une « bombe », provoquant la confusion. Le Pentagone a refusé de s’exprimer sur la question. Le milliardaire républicain a transmis la « sympathie » des Etats-Unis au Liban et répété que son pays se « tenait prêt » à apporter son aide.
Emmanuel Macron à Beyrouth jeudi

La France a annoncé le déploiement au Liban d’un « détachement de la sécurité civile et plusieurs tonnes de matériel sanitaire. Des urgentistes vont également rejoindre Beyrouth au plus vite pour renforcer les hôpitaux », a écrit Emmanuel Macron sur Twitter. Le premier ministre, Jean Castex, a confirmé l’envoi de trois avions militaires d’assistance transportant « un détachement de la sécurité civile avec un poste sanitaire mobile incluant six tonnes de matériel » et « plusieurs médecins urgentistes » pour « pouvoir très rapidement prendre en charge au moins 500 blessés ». Le chef de l’Etat s’y rendra à son tour, jeudi, pour « rencontrer l’ensemble des acteurs politiques ».

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