ENQUÊTE EXCLUSIVE – L’Étrange Agence Verital et les Dessous du Crash du Vol AH 5017 ! 2ème Partie et Fin

21 juin 2020

Chaque Etat a le droit de vérifier la conformité des avions étrangers fréquentant son territoire par des inspections au sol. En Algérie, la loi régissant les règles générales relatives à l’aviation civile dispose que dans le cadre de leurs missions, les personnes habilitées sont autorisées à procéder à tous les examens et enquêtes nécessaires pour s’assurer que les dispositions législatives et réglementaires en matière de sûreté et de sécurité aériennes sont strictement respectées.

A cet effet, elles sont habilitées à : « entrer dans des aérodromes, monter à bord des aéronefs, visiter les installations aéronautiques ou tout autre lieu où sont conçus, construits, fabriqués, distribués, entretenus ou installés des produits aéronautiques aux fins d’inspection ou de vérification dans le cadre de l’application de la loi et les textes pris pour son application. »

L’Etat algérien procède depuis plusieurs années à des services aériens non réguliers, ou affrètements d’avion, et ce pendant les périodes de fortes tensions, correspondants aux pics de fréquentations générés durant le cycle des vacances d’été ou celui du pèlerinage à la Mecque pour le Hadj ou la Omra, afin d’alléger la pression sur les équipages et les aéronefs des compagnies nationales trop souvent débordées.

Globalement, le processus d’affrètement est élaboré par la direction des programmes d’Air Algérie qui définit les besoins en avions et en équipages. Ce programme est approuvé par la direction de l’aviation civile du Ministère des Transports (DAC).

La législation a prévu cette situation de fortes demandes et a ouvert le champ à certains aménagements de la loi, autorisant une certaine souplesse dans les contrôles et supervisions des aéronefs.

Loi n° 15-14 du 15 juillet 2015, modifiant et complétant la loi n° 98-06 du 27 juin 1998 fixant les règles générales relatives à l’aviation civile dispose dans son article 16 bis que : « Lorsque l’intérêt public l’exige, et lorsque la sécurité ou la sûreté aériennes ne sont pas de nature être compromises, l’autorité chargée de l’aviation civile peut dispenser, totalement ou partiellement, toute personne, tout produit aéronautique, tout aérodrome, tout service aéronautique ou toute installation de l’application des exigences réglementaires pour un délai fixé  ».

Sauf que, lorsque le nombre d’inspections déléguées par le gouvernement algérien et la Direction de l’Aviation Civile et de la Météorologie (DACM) à la société publique Verital augmente durant les périodes critiques, Mounir Charmati le PDG de Verital ne prend presque jamais en considération l’esprit de la loi, et la possibilité offerte par le législateur d’alléger raisonnablement les contrôles, afin de ne pas congestionner les aéroports et engendrer les retards si coûteux pour les compagnies aériennes, leurs personnels et les passagers.

Et même si les aéronefs étrangers à affréter sont aptes à voler selon les strictes normes européennes au sein des principales compagnies et majors du transport mondial, Mounir Charmati va tout de même pousser la contrainte à son extrême, en exigeant que les inspections des avions à affréter se fassent le plus souvent… à l’étranger.

C’est ce qui s’est d’ailleurs passé avec la fameuse affaire de l’Airbus A320 AVEX de la compagnie Lithuanienne FlyLal, avion censé être affrété par Air Algérie en 2014.

L’inspection de cet avion par le PDG de Verital Mounir Charmati devait se dérouler à Prague, car l’avion était affrété par la compagnie nationale Tchéque : Czech Airlines, les frais de mission y afférents étant supportés par la compagnie nationale Air Algérie.

Si l’immobilisation pour 24h de cet avion avait couté à Czech Airlines des pertes conséquentes découlant de son inexploitation, Charmati, qui était arrivé en transit au niveau de l’aéroport parisien de Charles De Gaulle au mois de Mai 2014, ne s’est finalement jamais présenté à Prague pour son inspection… Surprenant !

Plusieurs sources internes chez Verital avaient évoqué cet étrange appel reçu par un correspondant de la compagnie aérienne, exigeant la mise à disposition de Mounir Charmati de la somme de 15.000 Dollars en espèces !

« C’est une pratique courante dans ce milieu, les enveloppes en espèce facilitent souvent le check des avions qui répondent déjà à toutes les exigences des normes européennes ou mondiales en matière de sécurité aérienne. Ils ne pourraient d’ailleurs pas être exploités s’ils n’avaient pas déjà toutes les certifications et autorisations européennes… » Nous assurent nos sources. Si cela est vrai, c’est tout de même inquiétant non ?!

A son retour de France, Charmati vraisemblablement irrité par son voyage d’inspection pour le moins compromis et sa mission clairement stérile à tous les niveaux, aurait procédé à des demandes surprenantes concernant l’Airbus A320 AVEX, dérogeant ainsi largement aux procédures habituelles et requêtes administratives concernant la location d’aéronefs de compagnies étrangères.

Il aurait par exemple exigé de la compagnie aérienne soumissionnaire de lui remettre de nombreux et inédits documents, sachant pertinemment que leur mise à disposition prendrait du temps, et compromettrait ainsi les délais consignés dans le contrat affrètement de l’Airbus A320 AVEX en cours…

Continuant dans ce qui pourrait s’apparenter comme un flagrant excès de zèle, et une fois la longue liste de documents transmis, Mounir Charmati aurait retourné l’épais dossier à la compagnie aérienne leur demandant une légalisation officielle par les services consulaires algériens à l’étranger…

Il aurait par ailleurs demandé, sachant la procédure longue à mettre en place, des accès au monitoring moteurs (surveillance des moteurs) dont l’objectif principal est une visibilité sur leur état et sur l’amélioration de la disponibilité des avions, refusant dans la foulée le recours à un accès manuel au monitoring, alors même que les preuves d’opérations de maintenance planifiées sur cet avion étaient suffisantes pour ne pas impacter le fonctionnement opérationnel de la compagnie Air Algérie…

Charmati cherchait-il à éliminer l’affréteur ? Les faits répondent par eux-mêmes.

Car entre-temps, lassés par les demandes futiles et insensées de Verital, les propriétaires de l’avion en cause ont pu l’affréter pour être exploité par TRANSAVIA, filiale d’Air France, sans aucun préjudice ni incident pour quiconque des opérateurs aériens, des personnels ou leurs passagers !

Le préjudice allait plutôt être supporté par Air Algérie, elle qui avait programmé cet avion pour la liaison Alger Ouagadougou et qui a dès lors dû se rabattre sur un McDonnell Douglas DC-9-83 (MD-83) qui était déjà affrété à la compagnie Swiftair, compagnie européenne contrôlée par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA).

Notons que Swiftair disposait d’un permis d’exploitation Airline operating certificate qui l’autorisait à transporter aussi bien du fret que des passagers, délivré conformément aux exigences de la législation européenne en la matière…

Le McDonnell Douglas MD-83 immatriculé EC-LTV assurant le vol AH5017 de Ouagadougou, Burkina Faso à Alger, en ce 24 Juillet 2014, a malheureusement été complètement détruit lorsqu’il s’est écrasé à 80 km au nord-ouest de Gossi, au Mali. Les 116 occupants ont subi des blessures mortelles…

Le rapport final de la commission d’enquête de l’aviation civile malienne a conclu que les raisons du crash revenaient à de fausses lectures de données, probablement causées par une obstruction des capteurs de pression situés sur le cône avant du moteur, suite au le givrage causé par la présence d’air froid et humide sur le bord de la tempête, compte tenu du fait qu’aucun des systèmes d’anti-givrage n’avait été activé.

En raison des valeurs incorrectes, l’avion dont l’altitude de croisière max est limitée au FL380, a perdu de la vitesse et a développé une tendance à descendre. Le pilote automatique, engagé en mode de maintien d’altitude, a ensuite tenté de lever le nez afin de maintenir l’altitude ce qui a conduit au décrochage de l’avion…

Dans ce rapport de 170 pages, signé le 22 Avril 2016 par l’expert ivoirien N’Faly Cissé, et que nous nous sommes procurés, l’accent a été particulièrement mis sur :

– la réaction tardive de l’équipage à la baisse de vitesse et aux valeurs erronées, éventuellement liées à la charge de travail liée à l’évitement de la zone convective et aux difficultés de communication avec le contrôle de la circulation aérienne.

– l’absence de réaction de l’équipage face à l’apparition du buffet, du vibreur de manche et de l’avertissement de décrochage.

Ces deux mauvaises appréciations des pilotes seraient certes liées à un probable manque de formation des pilotes, à une indéniable surexploitation des vols et des équipages, mais certainement à une piètre gestion du vol d’affrètement par les organismes algériens de l’aviation civile.

Car cet accident aurait pu être évité quand on sait que l’Airbus A320 AVEX prévu pour la liaison Ouagadougou Alger, et dont Mounir Charmati ne voulait vraisemblablement pas accepter pour des raisons que beaucoup considèrent comme obscures, pouvait monter à un niveau de vol supérieur aux performances du McDonnell Douglas MD-83 assurant le vol AH5017, et ainsi aisément éviter la zone de turbulences ayant été à l’origine du crash.

Preuve en est, trois autres vols opéraient au même moment dans ce secteur, il s’agit d’un avion Boeing 737-800 d’Air Algérie au numéro de vol AH5005, d’un avion Airbus A330 de la compagnie Portugaise TAP289 et d’un autre de la Royal Air Maroc RAM543K également un Boeing737-800. Tous ont pu arriver sains et saufs à leurs destinations car tous ont pu monter à un niveau de vol FL 420, leur permettant amplement d’éviter l’orage mortel…

L’Airbus A320 AVEX, prévu pour le vol AH 5017 assurant la liaison Ouagadougou Alger du 24 Juillet 2014, bloqué par Charmati aurait pu, n’hésitons pas à le dire, revenir à Alger avec ses 110 passagers, dont 54 Français, 23 Burkinabé, des Libanais, des Algériens et six membres d’équipage espagnols, tous sains et saufs…

Quand on sait que les accords majeurs régissant le transport aérien international indiquent que le transfert de certaines fonctions et obligations de l’État d’immatriculation d’un aéronef sont transférées à l’État de l’exploitant en cas de location ou d’affrètement, on se demande pourquoi le parquet de Paris a demandé, ce jeudi 11 Juin 2020, le renvoi de la compagnie Swiftair devant le tribunal correctionnel pour homicides involontaires alors que Mounir Chermati le PDG de Verital, représentant l’Etat algérien par délégation de la DACM n’a jamais été inquiété ! Jusque-là…

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