Huit ans de prison pour un ex-soldat qui avait préparé l’attaque d’une base militaire

Un ancien militaire, marqué par le décès de sa compagne et qui avait tenté de trouver des réponses dans sa conversion à l’islam, a été condamné à huit années de prison pour un projet d’attentat contre la base aérienne d’Évreux (Eure).

Un ancien militaire converti à l’islam a été condamné mercredi soir à huit ans de prison pour un projet d’attentat contre une base aérienne normande en 2017, au terme d’une longue audience qui n’aura pas permis de faire toute la lumière sur sa personnalité atypique.
Reconnu coupable d’« entreprise terroriste individuelle », Alain Feuillerat, un homme de 37 ans décrit comme fragile et paranoïaque, a vu sa peine assortie d’une période de sûreté des deux tiers et d’un suivi socio-judiciaire de cinq ans après sa libération, qui comporte notamment une injonction de soins.
Le tribunal a sanctionné « l’élaboration matérielle d’un projet violent à l’égard de militaires français », « mûrement réfléchie », et a considéré qu’Alain Feuillerat avait « voulu mener une action devant conduire à (sa) propre mort ».
Le parquet national antiterroriste avait demandé la peine maximale, dix ans d’emprisonnement assortis d’une période de sûreté des deux tiers, en répression d’un « projet criminel meurtrier ».
La défense avait quant à elle mis en avant ses fragilités et son renoncement à conduire son projet à son terme.Longuement interrogé, Alain Feuillerat s’est montré volubile dans le box des détenus, tour à tour agacé, vindicatif ou quasi-mystique.
Ce 5 mai 2017, les armes étaient chargées, les courriers de revendication envoyés, les lieux repérés.Lui qui était alors sans emploi avait été arrêté à l’aube aux abords de la base aérienne d’Évreux, alors qu’il regagnait son véhicule repéré par les gendarmes.
Ce tireur sportif portait des marques d’identification du groupe État islamique et un document d’allégeance à l’organisation jihadiste. Il avait abandonné dans les champs un fusil à pompe, deux revolvers à poudre et trois couteaux de combat, et découpé le premier grillage d’enceinte.
« Je voulais juste pousser un coup de gueule. Il ne s’est strictement rien passé », s’est-il défendu.
Il a invoqué sa « colère » face aux souffrances des musulmans au Moyen-Orient et une « vengeance » après les « persécutions inutiles qui ont contribué à bousiller (sa) vie » : des perquisitions administratives en 2015 et 2017, à son travail et chez lui, alors qu’il était fiché pour radicalisation.
Pourquoi avoir abandonné son projet ? « Ça ne valait pas le coup, ça n’allait pas me réconforter ».
Dans un livre joint à une lettre de revendication envoyée à divers interlocuteurs, Alain Feuillerat avait émis le souhait de mourir en martyr « à l’issue d’un combat magnifique ». En garde à vue, il avait affirmé qu’il voulait tuer.
Il a réfuté tout cela à l’audience. Les armes étaient destinées à commettre « des dommages matériels », a-t-il assuré. « Si j’étais dangereux, il se serait passé quelque chose ».

« Besoin d’aide »
Le tribunal s’est attardé sur le parcours difficile de cet homme, exclu du domicile familial à 19 ans et entré dans l’armée de Terre en 2003.
Côte d’Ivoire en 2006, Liban en 2008… Il était revenu plusieurs fois médaillé.
Après la mort soudaine de sa compagne en 2011, il avait quitté l’armée et cherché des réponses dans le catholicisme, puis l’islam.
Il avait prêté allégeance à l’EI dès sa création en 2014 : « Un gouvernement musulman qui applique la loi de Dieu sur terre, pour moi, c’est le top ».
Parfois confus, il a assuré que « la République, vis-à-vis d’Allah, c’est mort » : « La République fait l’objet d’un décret divin de destruction, elle n’a aucune stabilité, aucune légitimité et encore moins d’avenir ».
Ses avocats avaient demandé au tribunal de tenir compte de sa renonciation et de ses difficultés à évoquer ses troubles psychologiques, paniqué à l’idée de retourner à l’hôpital où il avait été interné deux mois.
Alain Feuillerat « a besoin d’aide », a souligné Martin Pradel, plaidant pour un aménagement de peine.
Jean-François Morant a quant à lui insisté sur le parcours de vie sans violence d’un homme dépourvu des « codes » jihadistes habituels.
Sur ce point, le tribunal a estimé qu’il « n’y a pas qu’une seule forme de radicalisation ».
« J’ai eu un comportement stupide », a lâché Alain Feuillerat en fin d’audience. « J’ai envie de vivre une vie normale ».

Publié par Ouest France avec AFP, le 6 février 2020.

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